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[FR] 20 jours dans le désert

Miscellaneous, Travel

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Marcher dans un des milieux les moins accueillants du monde, c'est le défi que je me suis lancé avec un ami. Un pélerinage, une méditation, une aventure. 22 jours en Mauritanie, 20 jours dans le désert.

English translation is a work in progress...

Prologue

Voilà bientôt 6 mois que je pensais au désert. Une région inconnue mais qui dit-on, change les Hommes qui en reviennent. Je voulais faire les choses bien, je voulais aller au bout de ce qui était possible pour une première fois. J'ai posé trois semaines de congés et suis parti avec un ami en direction de la Mauritanie. La marche débuta à Chinguetti, elle termina au nord de Moudjeria. Entre les deux, des détours et des puits.

Ceci est mon journal. Rédigé chaque jour, j'ai fait le choix de le garder brute et cru. C'est une prise de notes, un gribouillage de pensées, une tentative de partage.

* Les photos sont associées à leur jour de prise.

* Le mot "Chameau" est communément utilisé en Mauritanie pour qualifier l'espèce entière. Les mots "chameau" et "dromadaire" seront utilisés à tour de rôle pour décrire le même animal. Ici, le dromadaire africain, à une bosse.

Jour 1

Trois heures de sommeil, c'est le prix d'un décollage à 7h30. Alors que le réveil sonne pour la cinquième fois, je m'extirpe difficilement du confort. À 4h du matin, la fatigue prend le pas sur l'excitation. Je pars prendre une douche pour activer l'organisme, peut-être la dernière de janvier, peut-être la dernière pour trois semaines. De l'autre côté du mur j'entends Bastien s'activer, il sera mon compagnon de route pour l'aventure. Les bagages sont faits et vérifiés, que l'épopée débute.

Le trajet vers l'aéroport est fluide, les rues sont plus vides que mes pensées. Au fil des minutes, l'angoisse et les questions laissent place à un certain calme: le choix des affaires est définitif, le vol est réservé et nous sommes en route. Spectateurs de notre propre sort, nous ne pouvons plus agir sur l'inconnu. Paris Roissy, CDG Terminal 3. Le vol Paris - Atar ouvre le bal des décollages de la journée. Devant la porte d'embarquement, l'écrasante majorité d'européens portent sacs et chaussures de randonnée; notre initiative n'est pas si originale que ça. Partent-ils par contre pour si longtemps ? Pas sûr… Nous rencontrons un couple de grimpeurs, ils parcourent le monde depuis quarante-cinq ans à la recherche incessante de leur prochain défi d'escalade. Aujourd'hui et pour la quatrième année consécutive, ils partent travailler et ouvrir un monolithe au milieu du désert, 550 mètres de dalle.

Je trouve ma place et m'approprie un minuscule coin de tablette pour rattraper de précieuses minutes de sommeil. Je découvre au passage et avec horreur le choix de lecture de Bastien pour ce voyage: “Permis auto-école code de la route”. Au fin fond des dunes et dans le grand calme de la solitude, il a décidé d'emporter avec lui des panneaux de signalisations.

Nous survolons la côte Marocaine en lumière, rendez-vous en Mauritanie.


Ici, tout rappelle que nous ne sommes plus chez nous, le plateau de jeu a changé, les règles aussi. L'aéroport d'Atar et son tarmac sous 35 degrés n'est constitué que d'une piste, la 04-22. Nous faisons partie des deux seuls vols longs courriers de la semaine, l'avion se pose (1), puis repart (2). Je comprends au fil de l'attente que le temps s'écoule différemment, les horaires, comme les formalités administratives, sont approximatifs au mieux. Il ne fait pas bon de se dépêcher dans le désert.

Alors que nous traversons la capitale de l'Adrar pour rejoindre l'auberge, une ville éparse se dévoile. Fréquentée uniquement grâce à ce qui a été construit, et non à ce qui le sera. Quelques ânes de trait se mélangent aux voitures, des chèvres émaciées sautillent autour des murets en ruines, d'autres attendent à l'ombre de la chaussée, souvent vivantes, parfois mortes. L'épave d'une voiture sur un carrefour nous indique le dernier virage à prendre.

À peine arrivés qu'une négociation commence: qui sommes-nous, avons-nous réservé ? Notre guide assure que réservation ou pas, pas de problème. Nous finissons affectés à la hutte numéro 4, sur sa porte, le nom des touristes attendus: Antonio et Christian. Nous ne dirons rien.

Il est 15h, et une bonne heure d'attente nous sépare encore du déjeuner. Les deux repas briseront la glace avec Sidi, notre guide-interprète. Il semblerait que ce voyage soit facile pour des jeunes comme nous: j'en doute. Il semblerait aussi qu'il fallait emporter des pastilles de purification d'eau: aïe. Réveil à 7h demain, nous improviserons.

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Jour 2

Nous reprenons la route tôt en direction de Chinguetti, mais pas avant un arrêt nécessaire au marché d'Atar. À raison de 9000 touristes par an, la Mauritanie ne semble pas profiter pleinement de la naïveté des étrangers. Nous échangeons des euros au taux standard, et Bastien achète un chèche au prix local, ce malgré la pauvreté apparente de la ville. Les détritus jonchent le sol et l'entrée du désert, les sandales sont abîmées et les burnous troués. Sur la route, j'aperçois deux hommes en train de forcer une chèvre dans le coffre d'une petite voiture.

Halte culture à la bibliothèque de Chinguetti, des ouvrages vieux de millénaires sont entreposés dans de simples boîtes en carton. Un homme seul s'occupe de leur conservation. L'un des premiers corans, écrit et peint sur peau de gazelle, a été photocopié et laminé avec les moyens du bord. Le climat sec et quatre murs de pierre essayent de protéger ce trésor d'histoire, mais pour combien de temps…

Dans la voiture pour rejoindre les dromadaires, Bastien me dit “j'hésite entre la traversée de la solitude ou la traversée du silence comme titre”, je vois les arbustes desséchés à travers la vitre et lui réponds: “comme titre de ton épitaphe ?”. Nous rions nerveusement.

Notre cynisme nous rattrape bien vite quand au bout de 500 mètres de marche, caravane chargée, nous croisons un dromadaire mort. Les dromadaires et les chameaux sont capables de survivre une semaine sous 50 degrés sans boire ni manger. Le désert n'a pas de pitié, je m'arrête pour une photo et reprends ma marche en plein soleil.

Les vues s'enchaînent vite, les dunes changent, la couleur du sable aussi. Ce qui ne change pas, c'est le silence et la méditation dessinée par chaque empreinte. Si mes jambes s'alourdissent au fil de la journée, mes pensées s'allègent. Nous découvrons les roches, la finesse du sable et l'importance de boire. Nous discutons simplement et les pas nous portent sans peine, la dernière montée est difficile mais annonce l'arrivée au campement.

Quelle belle première journée, j'ai déjà peur d'oublier ces paysages sans fin. Il est bon de savoir que le voyage ne fait que commencer, beaucoup de choses sont à apprendre. Des nomades vivent à quelques centaines de mètres, proches d'une oasis de palmiers. Il paraît qu'ils cultivent des dates, et moi, j'aime bien les dates. Bastien propose d'en acheter, au fil d'une négociation ardue nous repartons chargé:

  • Nous aimerions 2 kilos, ça fera combien ?
  • 2 kilos ? 200 ouguiya
  • Ok. On prend.

Ça fera 2kg de plus, mais pas grave… ce sont les chameaux qui portent. Le campement s'organise dans le noir, j'écris quelques lignes en attendant les étoiles.

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Jour 3

J'ouvre les yeux dans un silence étonnant, le crépitement du feu et la couverture d'étoiles me bercent encore. Le calme est magique. Cependant la nuit n'a pas été très bonne, nous avons dormi à même le sol et celui-ci est dur. Nous expérimentons pour la première fois le froid du désert et les glapissements des chacals. Au réveil, des traces de pas à deux mètres du camp, une souris est passée sous mon sac de couchage. Walid, le chef chamelier, s'est levé trois fois, c'est nécessaire. À Paris si je loupe mon réveil je suis en retard au travail, ici si Walid loupe son réveil, nous perdons les chameaux. Nous mangeons un peu de pain et prenons la route, malgré la fraîcheur matinale les rayons du soleil montent la température ressentie. Parfait pour un Français, bien trop froid pour un Maure.

Bastien et moi tuons le temps en s'aidant de discussions, de sarcasmes et de jeux de mots. Notre inutilité au camp nous fait dire que nous ne sommes pas Sahariens mais Sert-à-rien, on s'amuse aussi à décrire les dunes comme un “nomade land”. Rire fait du bien, même si nous rions de peu. Nous débattons aussi beaucoup, mais faute d'accès à Google ou à une encyclopédie, nos questions restent en suspens, alors “dis Siri” devient “dis Sidi”. Le guide nous montre les empreintes d'animaux, les trous de fennecs et les mille et une espèces d'acacias. Nous recevons un compliment magnifique quand il dit que nous sommes de bons marcheurs, un des groupes les plus rapides qu'il n'ait jamais vu. J'espère que Théodore Monod est fier de moi.

À midi et au zénith, les Mauritaniens restent en doudoune, sous le soleil, près du feu. Nous devons faire la sieste sous la tente, c'est trop dangereux pour notre peau pâle. Nous repartons vers 14h avec un mercure aux alentours de 35 degrés, le silence règne, c'est difficile pour tout le monde. Le sable est traître, un pied rencontre un sol palpable et consistant, l'autre s'enfonce sans prévenir jusqu'à la cheville, les genoux trinquent. Quand le vent tombe la chaleur revient; il n'y a que la mort ici, et ceux qui la traversent. L'insolation gagne Bastien qui fait preuve de poésie: il compare le désert à un sablier géant où chaque pas est un grain qui s'écoule. Je ne peux pas lui donner tort. Nous arrivons au campement sur les réserves, nous venons de vivre la première vraie épreuve du voyage.

La faune continue d'être maîtresse de notre inexpérience, Bastien lâche prestement une branche infectée de fourmis agressives, et je fuis une tique s'approchant de mes sandales. Sidi nous assure que les tiques ne sont pas dangereuses, nous décidons de le croire pour notre tranquillité d'esprit.

J'ouvre mon cahier face au coucher du soleil pendant que les Maures chantonnent derrière. Le sablier est si grand que le temps semble figé. Je pars aider Sidi à préparer la soupe opinel en main, nous en profitons pour discuter de tout et de rien. Bastien est resté près du feu boire le thé pendant que je renoue avec une partie de mon histoire. Les guides ont monté la tente mais nous refusons d'y dormir, Sidi rigole mais est d'accord avec nous, il faut dormir sans toit pour s'y habituer.

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Jour 4

Alors que j'écris les premiers mots de la journée à l'ombre d'un acacia, Bastien et moi comprenons que les épreuves seront désormais quotidiennes. Tout débute avec une nuit bien trop courte, Sidi nous avoue qu'il n'a pas dormi non plus, c'est la nuit la plus froide depuis un an. Nous laissons derrière nous un paysage époustouflant pour entamer 3h30 de marche. Les seules pauses seront pour boire quelques gorgées d'eau et laisser le chef chamelier faire ses besoins sur la route, 3 chameaux se bousculent. Je fais remarquer à Bastien que l'on fait preuve de trop de pudeur quand nous nous cachons si loin pour uriner. Il me répond “Oh, il fait pipi ? Je croyais qu'il priait”.

Le matin est aussi, si ce n'est plus dur qu'hier après-midi, j'appréhende la suite. Je comprends que pour trouver le nombre d'heures marchées en une étape, je dois prendre mes estimations et les diviser par deux. Le vent souffle fort et le sable s'immisce partout. Un chameau s'approche de nous pour grignoter quelques feuilles, épines comprises. Je fatigue, et pars faire une sieste nécessaire. Sans, je ne terminerai pas la journée.


La chaleur est toujours aussi écrasante mais partir tôt paye, nous arrivons au camp à 17h. Sidi nous rappelle qu'en temps normal les groupes n'arrivent pas avant 17h30, certains finissent l'étape de nuit. La sensation de réussite se mélange à la beauté du soleil couchant. Bien sûr, l'arbre mort sous lequel nous nous asseyons abrite des ossements; la mort surveille. Pour citer Bastien: “le désert est presque accueillant entre 8h et 8h30 et entre 18h et 18h30”.

L'hygiène commence déjà à poser question, mes cheveux fusionnent sous le chèche, et j'ai déjà cyclé mes habits propres. La sueur et le sable créent une seconde peau désagréable, nous espérons trouver un puits demain. De toutes manières, le sable est partout, dans les sacs, dans les habits, sur les lèvres. Même les bananes croquent sous la dent. L'hygiène c'est aussi aller aux toilettes, et les dunes sont les plus belles du monde. Accroupi, je reste visible à des kilomètres mais personne n'est là pour me voir. La sérénité prend des formes étonnantes.

Les chameaux se nourrissent à ma droite sur plusieurs plans, au fond j'observe les derniers rayons s'éclipser sur notre bivouac. Nous dînerons ce soir avec les deux chameliers, le groupe sera réuni autour d'une seule soupe mais deux langues. Nous essayons d'apprendre quelques mots d'arabe au fil des jours pour nous intégrer au mieux.

Nous commencerons à quitter le sable demain pour nous rapprocher des plateaux rocheux. Je troque mes sandales pour des chaussures montantes. La journée a été très bonne.

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Jour 5

Pendant l'un de mes multiples réveils nocturnes, j'ouvre les yeux sur le vide immense et reste frappé par le terrifiant silence. Je pense entendre une souris courir à côté, ou peut-être un oiseau qui sautille. La lune s'est couchée, et avec, son voile de lumière disparaît. Les étoiles resplendissent et je prends le temps de les admirer un peu. Mes yeux se ferment, je me rendors blotti dans les constellations.

Sur le camp nous restons touristes. Nous nous levons plus tard qu'eux, et n'avons pas l'efficacité de rangement et de mise en route. Alors que nous n'avons pas l'impression de chômer, lorsque nous sommes habillés et prêts, les chameaux sont déjà chargés et le feu est éteint. Sidi nous répète sans cesse qu'il faut aller à notre rythme, il saura nous dire si nous sommes en retard. Nous comprenons qu'il est de notre responsabilité de gérer notre repos et notre préparation afin de ne pas être un fardeau pendant la marche. Il n'est pas possible de rattraper 40 ans d'habitude nomade en quelque jours. Je lis ces lignes à Bastien qui ajoute cyniquement: “c'est ton journal pour te sentir mieux sur le fait qu'on ne fasse rien sur le camp ?”.


Comment expliquer la difficulté de cette matinée. Imaginez marcher jusqu'à ne plus pouvoir monter d'escaliers, et marchez encore. Imaginez marcher jusqu'à ne plus pouvoir marcher, et marchez encore. Bastien a mal à la tête, je ressens des douleurs aux chevilles, nous n'avons marché que 4 heures. Le paysage devient de plus en plus minéral, les gravillons et les cailloux s'enchaînent, nous verrons le bec du plateau avant ce soir. Je suis content de quitter les dunes, aussi majestueuses soient-elles. J'estime entre 400 et 700 mètres de dénivelé parcourus par jour dans le sable. L'ombre partielle que l'on a trouvé est un luxe énorme, nous nous contentons de moins en moins. Nous mangeons des lentilles, du pain sec et quelques olives. En dessert, une pomme. Je parle peu pour économiser mes forces, mes mouvements sont lents, j'évite de penser à la reprise.

“J'ai l'impression de m'être fait rouler dessus par un camion” dit Bastien au réveil de sa sieste, il est 14h30 et nous nous préparons. L'hygiène est passée au second plan, la survie des muscles et de l'esprit a pris le pas sur tout le reste. Malgré ça, Bastien demande au guide si nous pourrons utiliser un peu d'eau du puits de ce soir pour nous laver, Sidi rétorque qu'il est peut-être sec… Les mouches dansent autour de nos dos courbés, ce midi, même les Maures ont dormi à l'ombre.


La fin de journée combine toujours de fortes émotions, le soulagement, la réussite, le mérite; c'est un pas de plus vers l'arrivée du voyage. Le soleil se couche doucement derrière le début de plateau, nous montons le camp dans la dune d'en face. Entre, 500 mètres de gravillons et un arbre seul, érigé humblement. Son bois nous chauffera jusqu'au coucher, puis jusqu'au départ le lendemain matin. Cependant même en contemplation, je refuse d'oublier la promesse de cet après-midi: je ne conseillerai pas ce voyage à mon retour. Chaque étape est un tour de force, mes chevilles grincent affreusement et le puits est finalement sec. “mort” comme dit Sidi. Le départ à l'aventure doit être de votre propre initiative, c'est la composante principale décidant de la réussite ou non du parcours.

Bastien vit plus mal que moi le manque de propreté, il a besoin de se laver ce soir, son initiative m'arrange. Nous prenons chacun une petite bouteille d'eau non potable, plus serait gaspiller. Au sommet d'une dune, je laisse l'eau emporter quatre jours de poussières. Il n'y a pas assez d'eau pour tout rincer, c'est un détail, je me sens bien. Nu face à la nature, je ne fais qu'un avec les éléments; il est très libérateur d'oublier sa pudeur. Seul un chameau vient briser mon intimité: le tableau est maintenant parfait.

Nous n'avons que peu parlé depuis midi. Nous n'avons plus autant besoin de le faire, l'épreuve et la souffrance nous rapprochent. Écrire est devenu une méditation importante à ma journée, Bastien préfère couper quelques carottes avant de vagabonder autour du camp. Les rituels se mettent en place. Les journées les plus dures sont encore à venir mais nous avancerons plus vite sur le plat. le sol parsemé de roches volcaniques ou de poteries vieilles de millénaires nous marque beaucoup. Nous avons décidé avec Bastien d'appeler cet endroit “la forge de l'humanité”. Je ramasse en toute illégalité un petit tesson gravé, et glisse dans ma poche un morceau d'histoire.

Aparté Bastien

Cette entrée vient sceller ce qui a été jusqu'à présent la journée la plus difficile. La fatigue physique du matin a laissé place à une fatigue mentale durant l'après-midi. Alors que mes jambes semblent capables de me porter au bout du monde sur le terrain plat, l'esprit est incapable d'apprécier les kilomètres parcourus et encore ceux à venir. Cependant suite à l'arrivée au camp, c'est une douche minimaliste qui lave les sombres pensées de la journée et me laisse savourer toutes les choses que je ne voyais plus. J'accueille les tâches ménagères (si peu soient-elles) et le silence du désert avec bonheur. L'aventure c'est aussi de savoir marcher lorsque les journées sont dures, et de savoir profiter lorsque les soirées sont douces. J'écris ces quelques lignes pour m'en souvenir lors de la suite du voyage.

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Jour 6

Au fil des nuits la visibilité augmente, je n'ai plus besoin de lampe frontale pour me déplacer. La lune débutait sa phase à notre arrivée, elle sera pleine avant notre départ. La température nocturne est légèrement montée mais l'heure avant l'aube reste la plus froide, une légère brise se lève et vient me glacer les os. Je m'enfonce dans mon sac de couchage. Bastien, capuche relevée, est déjà en chrysalide.

Exceptionnellement le guide nous invite à prendre le départ avant les chameaux. Direction le plateau. Nous traversons l'étendue, dépassons l'arbre et entamons 100 mètres de montée pour atteindre le sommet des roches. En quelques pas, le désert abandonne sa robe orangée pour enfiler une étendue caillouteuse où le slalom est de mise. Au loin, une tente de nomades. Le guide nous invite à goûter une boisson locale, l'aspect est grumeleux, laiteux et aqueux en même temps. Sans confiance, j'accepte le bol qu'on me tend et avale une gorgée. Ce n'est pas très bon. La recette: du lait de chameau, du lait de chèvre et de l'eau de puits non filtrée. À ne jamais refaire, j'espère que mon estomac tiendra le coup.

Mon moral est bas, je ne vois pas la fin de cette étape. Sur la route, Bastien ramasse un bloc de sable à l'aspect feuilleté, ça s'effrite entre ses doigts. Intrigué, il demande au guide ce que c'est. Mon moral va mieux, au moins, je n'ai pas mis les mains dans du pipi de chameau. Sidi explique que les gens en boivent pour combattre le diabète. La vie est plus simple sans Google.

Au détour d'une dune, le désert change à nouveau. Nous cherchions un puits, le voilà. Du sable aux roches, des roches au sable, s'étend désormais une étendue luxuriante de plantes. Dans cette oasis, des enclos à chèvres ont été construits sobrement, plusieurs chameaux se promènent d'acacia en acacia. J'avais oublié la beauté du vert.

Comme à l'habitude, à l'ombre des arbres il faut faire attention où l'on met les pieds. Des épines de 4 à 8 centimètres sont dispersées un peu partout, aujourd'hui en prime: des fourmis argentées. Leur vitesse donne l'impression qu'elles glissent sur le sable. Sidi nous explique qu'elles piquent mais qu'elles ne font pas très mal. Trois piqûres au pied me réveilleront de ma sieste. Sidi dit aussi qu'ici tout pique, alors on ne se pose plus la question.


Nous faisons un détour pour voir le puits avant de reprendre la route, une dizaine de chameaux nous emboîtent le pas. Le troupeau appelle le troupeau. Le puits a été construit à la main, des couches de pierres plates disposées en cercle atteignent 3 mètres de profondeur. Sur le côté, un monticule de sable et deux nomades. Le guide explique qu'ils sont arrivés et ont creusé pour retrouver l'eau, sans eux, le puits serait sec.

Sur le plateau les kilomètres sont plus simples, le terrain m'est plus familier. Mes chaussures de randonnée brillent, Sidi lui, reste en tongs. Il n'est pas rare que nous discutions à trois, les sujets sont multiples. Dans le sable, Bastien dessine un insecte et demande son nom, Sidi schématise notre localisation et notre parcours. Aujourd'hui, le guide propose en rigolant de revenir pour un autre circuit, la température a baissé et on oublierait presque l'épreuve du matin. Il précise qu'il y aura une source chaude à la fin pour prendre une douche. Je vois Bastien prêt à flancher, serions-nous capables de revenir ?

Nous continuerons de recroiser du sable de manière discontinue lors des prochains jours, je suis très content de pouvoir monter le camp pieds nus. Je m'éloigne pour écrire dans le calme, à une trentaine de mètres du feu. Un chamelier se lève et m'apporte le thé, je me lève à mon tour pour le rencontrer à mi-chemin mais il me fait signe de me rassoir: “pas de problème”. C'est aussi ça l'hospitalité mauritanienne. J'entends Bastien expliquer que parfois, nous ne terminons la marche que grâce à la motivation du thé. Sidi traduit, les chameliers rigolent. Le sable, le carnet, la vue, le thé, tout est parfait. Le soleil se couche, je me rapproche du feu.

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Interlude - caravane

Nous sommes 5 dans la caravane, 4 selon Sidi. Inclure le guide est une évidence pour lui, “quand on donne la taille d'une classe, on ne compte pas le professeur”. Bastien et moi nous sommes rencontrés en Chine, nous avons tous deux voyagé mais presque jamais en Afrique. Aucune expérience particulière en randonnée, mais nous n'aimons pas faire les choses à moitié, ce qui nous pousse souvent à l'excès dans nos projets. Bastien fêtera son anniversaire pendant le voyage, il a emporté une poignée de caramels français pour l'occasion.

Sidi est notre guide interprète et nomade aguerri. Il connaît exceptionnellement bien le désert et a l'habitude des circuits organisés, chaque jour nous pousse à lui faire un peu plus confiance. Il a cependant une tendance à sous-estimer le temps et les distances. “tout près” signifie 30 minutes, “bientôt” avoisine l'heure et “ne pas avoir marché beaucoup” est une étape de 4 heures ou moins. Walid est le chef chamelier, il est tranquille avec les bêtes et ne les brusque pas. Je ne l'ai encore jamais vu retirer son chèche, il mène la marche une grande majorité du temps. Elmet est son acolyte et collègue, il est en manteau à minuit ou à 13h, c'est incompréhensible pour moi. Il est aussi maître du thé sur le camp et prend grand soin à nettoyer sa théière avant de la ranger. Depuis quelques soirs il prépare aussi du pain pour le matin. Pendant ce temps, Walid s'occupe du dîner pour deux.


5 chameaux nous accompagnent dans cette aventure, ils sont tous de portage. Même s'ils peuvent vivre jusqu'à 25 ans et porter entre 150 et 250 kilos, les nôtres sont jeunes donc ménagés. Sur le ton de la blague, nous leur avons donné des noms le premier jour et c'est resté. Ils n'en n'ont pas d'officiel, seul une marque de fer rouge au cou ou sur les jambes permet d'identifier leur propriétaire.

À 11 ans, Jean-Pierre (en réalité une femelle) et Charlotte (en réalité un mâle) sont les doyens du groupe. Jean-Pierre est d'un brun sombre alors que sa bosse tire sur le charbon, son caractère est bien trempé et il n'hésite pas à protester. Charlotte est au contraire très calme et silencieuse, elle préfère les acacias aux touffes d'herbe et sa robe est blanc nacré - c'est ma préférée. Suit Béatrice (en réalité un mâle) avec ses 7 ans et son poil argile-blond, on l'entend rarement mais est probablement l'image la plus typique du chameau de carte postale - c'est la préférée de Bastien. Émile (mâle) a 4 ans et une drôle de tête. Il nous fait penser à Sid de l'âge de glace. Sa face blanche et ses jambes tachetées le rendent très reconnaissable. De loin il a l'air idiot, de près il a l'air idiot. Il nous fait beaucoup rire. Pascal (en réalité une femelle) ferme la marche du haut de ses 3 ans. Il est jeune, rebelle, et nous le fait savoir en râlant plus fort que les quatre autres réunis. Son cri guttural est audible au chargement, au déchargement et même quand il faut boire… je pense qu'il ne sait pas bien lui-même pourquoi il se plaint. Il est brun-châtain.

Les chameaux sont les métronomes de la traversée, en ouverture avec les chameliers leur rythme ne varie jamais. Leurs empreintes sont également une ligne de vie, attachés l'un derrière l'autre, ils laissent derrière eux un fil rouge pour ceux repartant après une pause. En queue de peloton, il n'est pas rare que nous devions rapatrier Émile ou Pascal lorsque leur corde se détache. Je passe des heures à observer leurs grands pieds s'affaisser dans le sable meuble, ces animaux sont construits pour leur environnement. Ils sont parfaits.

Jour 7

Ce matin je marche dans un silence presque total, je cloisonne mon esprit et entame une longue et lente méditation. Mes pensées vagabondent et je suis étonné de les voir s'arrêter à Paris. Je pense à ma vie, mes proches ou mon travail, observant ce que j'ai laissé derrière. Je ne suis inquiet de rien, tout sera là à mon retour. Avec Bastien on se surprend à parler de la fin du voyage, alors que nous n'avons fait qu'un tiers. Est-ce parce qu'on aimerait être déjà au bout, ou parce que nous nous savons capables d'arriver à la fin… Inch Allah ?

Sur le chemin nous trouvons une tête de hache. Elle a été taillée dans une roche de vert pâle qui n'est pas sans rappeler le jade, polie par le vent on distingue nettement le tranchant maintenant émoussé. Je remonte le temps. 4000, 6000, 8000 ans en arrière un Homme a taillé cette pierre et l'a utilisé exactement là où se trouvent mes pieds. Ça vaut tous les musées.

Ce midi le plateau de l'Adrar a des allures de poêle géante avec moi dedans, en train de frire. Nous suons à l'ombre et n'osons plus bouger, chaque roche emmagasine et rend sa chaleur au quintuple. Seul le mental joue ici, le corps crie au repos.


Bien sûr, comme chaque jour, nous finissons l'étape alors que deux heures plus tôt, tout semblait impossible. Nous pensions qu'une habitude allait se construire au fil du temps, mais chaque jour continue d'être plus ardu que le précédent, tout va crescendo. La difficulté des étapes n'augmentant pas, nous déduisons que le corps et l'esprit ne récupèrent pas assez vite. 21h est devenue l'heure normale de coucher.

Ma conscience se libère d'un poids ce soir, je pensais avoir un téléphone cassé et inutilisable pour le restant du voyage. À midi, au lieu de s'allumer, une alarme stridente s'est déclenchée. Après beaucoup de stress et quatre heures dans la poche, je retente ma chance le soir même. L'alarme est toujours active mais je comprends enfin le problème: la luminosité était au minimum et sans voir que l'écran était allumé, j'ai enclenché par inadvertance le mode S.O.S. Un acte manqué ? La fatigue rend en tous cas stupide.

Nous dînons sous les étoiles, en fond sonore quelques prières arabes et au loin, des hurlements de chacals.

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Jour 8

Encore une leçon d'histoire ce matin en passant devant une grotte pleine de peintures rupestres. Le désert est une exposition géante, il faudra par contre prévoir un peu plus d' une heure et demie pour en faire le tour. Un groupe d'ânes nous regarde reprendre notre chemin, ils se tiennent à distance… sentant que nous sommes étrangers. À leur côté, une source stagnante attire la vie et les troupeaux, cette fois, même les nomades n'y boivent pas.

Vers 10h nous gravissons un mont, j'en profite pour observer l'oued qui s'étend à perte de vue. Au loin une gorge, je demande à Sidi quelle distance nous en sépare mais il refuse de me répondre. La matinée est bonne et nous sommes grandement aidés par un léger vent qui fait chuter la température ressentie. Nous atteindrons la gorge sur les coups de midi.

L'acacia du jour nous accueille avec un bourdonnement, il s'avère que les abeilles peuplent aussi les milieux arides. Bastien essaye de se convaincre que ce sont des mouches, il est de toutes manières trop occupé par sa croisade contre les tiques. Équipé de cailloux, il chasse toutes celles osant s'aventurer sur le tapis. J'ai du mal à trouver le calme, tout m'a appris que ce bruit est motif à s'éloigner. Dormir sous une ruche est toujours mieux que de dormir sous le soleil.


Juste avant la reprise de l'après-midi, deux femmes nomades apparaissent au loin, nous les attendons. S'ensuit plusieurs minutes de présentations et de politesses, au cours desquelles elles offrent du lait aux chameliers. Le guide nous explique qu'un de leurs enfants est malade, une de ses dents lui fait atrocement mal, elles cherchent des médicaments. Le mot “babtou” vient du verlan “toubab”, un blanc, un européen. L'étymologie de “toubab” vient elle-même de “toubib” (ṭabīb), un docteur. Les mots évoluent, le sens reste, les étiquettes aussi. Nous n'avons pas grand chose sur nous et ne voulons pas prendre de risque, alors nous optons pour du paracétamol en expliquant très clairement la posologie. Leur groupe marchera jours et nuits cette semaine pour atteindre le médecin ou l'hôpital le plus proche. Je comprends qu'il y a un code entre nomades: si on peut aider, on doit, même si ce n'est que pour soulager mentalement. Au camp, les chameliers cuisinent au bois, nous, au gaz. La bonbonne est là pour laisser un maximum de ressources aux nomades qui passeront après nous.

Aujourd'hui le vol hebdomadaire Atar - Paris est parti sans nous. Cela fait une semaine que nous arpentons le désert mauritanien - cela pourrait faire trois jours ou un mois, je ne ferais pas la différence. Nous avons déjà tant appris mais nous ne sommes pas encore très bons. Sur la route, une masse blanche au soleil attire l'attention de Bastien:

  • C'est un autre dromadaire mort ?
  • Oui
  • On est vraiment dans un Western…

Sur ces mots, l'animal se réveilla de sa sieste. Sans commentaire.

Nous rencontrons deux nouveaux terrains. L'un est un sol rocheux aux aspérités marquées, j'aime sa fiabilité et sa solidité. L'autre est un champ d'argile séché, à la texture de coquilles d'oeufs géantes, le sol craque continuellement sous les pas. Certains morceaux sont aussi larges et épais que des assiettes.

Pour la première fois, Sidi avoue qu'il est fatigué aussi. Le coucher de soleil - thème récurrent du bivouac dans le désert - est magnifique.

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Jour 9

Une trentaine de mouches (Bastien a compté) décident de me prendre en chasse au réveil. Elles m'accompagnent au cours de ma promenade matinale pour faire mes besoins. Je fais des gestes amples et continus pour éviter qu'elles ne se posent là où elles ne devraient pas. Je sais que je n'ai pas pris de douche depuis longtemps mais là, c'est juste vexant.

Je suis d'une humeur affreuse, le sommeil était aux abonnés absents. Sidi m'indique que dans le désert, les nuits complètes n'existent pas, même après 30 années de bivouacs. Je continue d'être subjugué par cet endroit fou, tout est si grandiose que je me sens ridicule. Je le pense mais ne le communique pas. Je ne voudrais pas que le désert m'entende, ou me donner trop de raisons de revenir.


Nous passons ce matin par le seul village entre Chinguetti et notre point d'arrivée final pour le premier et dernier ravitaillement. Notre approche se dessine au loin par des cabanes en terre et des panneaux solaires, ils relient les puits et leur pompe respective. Pour rentrer au village, nous devons escalader une décharge ensablée. Des piles, des vêtements, des sandales ou du plastique brisé viennent jurer sur l'orange du décor. La même scène nous attendra à la sortie du village, de l'autre côté. Des tuyaux et des câbles serpentent le sol jusqu'à la ville, ces tentacules caoutchouteux apportent la vie avec eux.

Après une semaine d'acclimatation au désert, je redeviens touriste en quelques mètres. Le village est gigantesque pour son petit nombre d'habitants: deux cents. Un enfant nous approche et répète le seul mot français qu'il connaît: “cadeau”. Le mot est simple mais sans équivoque, l'enfant mendie. Le village est en réalité un bidonville aux rues désertées, les enfants et les femmes nous regardent depuis les huttes, les hommes eux, sont en périphérie pour s'occuper des troupeaux de chèvres. Une boutique se dresse timidement sur un morceau de route goudronnée, devant, un 4x4 garé. Sidi nous invite à rentrer. L'intérieur est en ciment brut, il fait de 4 à 5 m2 et est orné d'une étagère où s'exhibent des produits de première nécessité. Dans un coin, un réfrigérateur horizontal émet un bip continu, il fait trop chaud pour qu'il puisse maintenir sa température optimale. Par terre, une bassine de lait caillé, des verres, un cahier et des sacs de riz et pâtes entassés sans protection. L'insalubrité est palpable, les mouches dominent la vue et l'espace.

Sidi achète une lampe torche, c'est un jouet pour enfant. Il achète aussi trois briquets mais n'est pas dupe, les deux premiers n'ont plus de gaz, il négocie et les échange. Les enfants défilent dans la boutique, nous sommes l'attraction du jour. Un adolescent reste longtemps, je comprends qu'il a un handicap mental. Je l'intrigue, il me fixe. Le thé est une coutume et il serait impoli de refuser, alors nous nous asseyons par terre. Sur la droite du plateau, une autre bassine à l'eau opaque et verdâtre, des allumettes et des morceaux de pain y flottent. Nous buvons et mangeons un quignon avant de repartir. L'adolescent s'abreuve à partir du bol de lait, je n'ose imaginer depuis combien de temps il fermente. Nous chargeons les bagages dehors, un garçon en tailleurs regarde dans le vide, une colonie de mouches se forme au coin de sa bouche. Il nous suivra sans un mot jusqu'à la sortie du village. Devant la disproportion d'handicaps pour un si petit village, nous ne pouvons que spéculer avec Bastien sur les problèmes de consanguinité. Le guide offre ses chaussettes sales, c'est un cadeau certain là où elles sont toutes trouées et là où les dents manquent tant dans les sourires. J'essaye de graver la misère dans ma mémoire. Je ne veux pas oublier, je ne dois pas oublier.

Au milieu du village dévoré par les sables, une auberge, prête à accueillir les circuits en voiture. Sa propreté détonne complètement avec la pauvreté de l'endroit. Et pourtant, on retrouve ici une école primaire, un collège, un lycée, un petit hôpital, une station essence et surtout, un précieux point de chute pour les nomades des alentours. Je suis parti dans le désert pour son silence et sa simplicité, j'y rencontre les pensées que j'essayais de fuir.

Retrouver la marche silencieuse est une bénédiction, je suis désormais à l'aise là où il n'y a rien. Pour rattraper le temps, nous marchons lors du zénith; le désert me rappelle chaque jour à l'ordre. Je porte mon sac d'une épaule pour rafraîchir mon dos trempé.


L'arrivée au camp est à nouveau très pénible, mes chevilles ne vont pas mieux (impression de déjà vu). J'ai érigé tout un système de notation pour voir si la douleur stagne ou empire au cours des jours. La partie supérieure de l'échelle ressemble à: (6) ne peut pas faire abstraction (7) ralentissement de l'allure (8) commence à boiter ou compenser (9) douleur intense, traîne la patte (10) ne peut plus poser le pied ou marcher. Marrant cette manie humaine de traduire en processus logique ce qui n'a pas besoin de l'être, je suis au milieu du Sahara, la solution est simple: avancer. Dans “tais-toi et marche” Théodore Monod marche dans le sable avec des talons à vif, il finit par essayer de les recoudre sans anesthésie avec du tendon de gazelle. Le problème étant qu'aujourd'hui il n'y a plus de gazelles, éradiquées ou presque par la chasse, sinon forcément… C'était quand même plus facile à l'époque. Bastien me conseille de monter sur un chameau. Tant que j'arrive avant la nuit c'est hors de question. Et puis si ça se trouve, Émile aussi il a mal aux chevilles, et lui, il en a quatre.

Je prends de plus en plus de plaisir à faire ma toilette ou y passer, temps de calme et de communion avec la terre. Si je rentre changé, ce sera peut-être en nudiste.

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Jour 10

Du vent. Tellement de vent. Il s'est levé pendant la nuit, on n'entend que lui depuis. Dans le désert et sans rien pour le ralentir, le vent amène le sable. Peu de sommeil quand le visage, l'oreiller, le nez et les yeux accueillent si bien chaque grain. Je pensais connaître l'inconfort, mais ranger un duvet granuleux et boire un café croquant est une étape supplémentaire, une usure de plus. Perdre goût aux rituels du quotidien émousse le mental, le ré-aiguiser est primordial, pour ce faire: changer de point de vue. Je couvre chaque millimètre du visage avec mon chèche, et me focalise sur la chute de température qu'apportent les rafales. Chaque pas dans les dunes soulève un nuage de sable que l'on voit disparaître dans l'air. Sur le sol rocailleux, les jeux de contrastes créent à quelques centimètres du sol des vaguelettes brumeuses qui retombent ensuite. Un chameau surpris fait un écart avant de se reprendre. Au sommet des dunes, une couche se forme et se déforme, comme si le désert s'évaporait sous la chaleur. Le vent continuera jusqu'au soir, je crains que cela puisse durer plusieurs jours.

La veille de mon départ, je suis passé en librairie acheter un livre de poche. En parcourant les rayons je suis tombé par hasard sur un Sylvain Tesson d'occasion: “Dans les forêts de Sibérie.” Je lis la 4e de couverture en diagonal et l'achète. Vingt jours dans le désert créent des moments de creux, alors une porte vers l'extérieur ce n'est pas de refus. J'ai choisi sans m'en rendre compte le yin de mon yang. Je passe mes journées à marcher sous 35 degrés, Sylvain fait de même sous -35. Je pars m'exiler au Sahara, il fait de même en Sibérie. J'écris un journal, son livre est un journal. Comment convaincre mes proches que l'idée m'est venue avant d'ouvrir son œuvre ? Le sien est en plus follement mieux écrit…

Je suis affalé sur mon sac de couchage à 30 mètres du camp. Elmet m'apporte le thé. Je crois qu'il y a encore du chemin avant de rejoindre les aventures de Sylvain Tesson.

Le moral va mal, il faut que je dorme.

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Jour 11

C'est l'anniversaire de Bastien, pour fêter ça, le vent a forci. Je dis ironiquement en partant “sympa cette petite brise”, Bastien me répond “je reconnais, c'est une brise les couilles ça”. Que ferait-on sans la poésie ?

La tempête n'est pas là, mais les premiers symptômes apparaissent. Je parle plus fort pour me faire entendre et si le ciel est bleu cristallin au-dessus de ma tête, il est gris mat à l'horizon. D'ailleurs, où se trouve l'horizon ? Un flou jaune-gris à quelques centaines de mètres, un rideau opaque à partir d'un kilomètre. Sidi nous interdit formellement de prendre une pause sans le prévenir, les traces disparaissent trop vite, nous pourrions perdre la caravane en quelques minutes seulement. Un peu de chance tout de même, le vent est avec nous, nord - sud. L'affronter de face demanderait une énergie considérable.

Devant le nombre extrême de tiques à l'acacia du midi, l'arrogance nous gagne. Nous repartons juste après avoir mangé, sans sieste, le soleil haut, les jambes lourdes. Le paris paye, sous 25 degrés ressentis Bastien et moi sommes à l'aise. Nous avalons les kilomètres et les trois heures de marche qui nous séparaient du campement. Sept heures au total aujourd'hui. Arriver tôt offre du temps. Bastien apprend à faire le thé traditionnel avec Elmet (prévoyez un grand sachet de sucre), Walid lui, tisse ses cordes. Je suis trop occupé à défendre mes cheveux devant Sidi, il m'a vu retirer mon chèche et les trouve trop longs. Selon lui, je ne peux pas rentrer en France comme ça. Il me propose de trouver un coiffeur à Atar, mais les Mauritaniens sont majoritairement chauves, alors je décline poliment. Bastien montre une photo de lui avec une queue de cheval, Sidi rigole.

Le vent retombe légèrement, pas les particules fines. Le temps reste figé dans le brouillard, je ne peux que penser aux smogs pékinoises. À l'est de la vallée, un sombre amas de roche occupe l'espace, il cache doucement le soleil qui s'éteint derrière, comme à bout de force. J'ai l'impression de braver un interdit en campant ici, surréel est l'endroit.

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Jour 12

Comment faire pire que pire, comment décrire le vent carnassier sans faire la course aux superlatifs ? Depuis 3h du matin la lune a disparu, le soleil lui, est resté caché. La montagne noire est indiscernable, nous évoluons dans un monde qui tire sur le monochrome, tout est gris-orangé. Les bourrasques semblent plier la frêle tôle de l'espace, les grondements sont haineux, le bruit incessant. Nous ne sommes plus les bienvenus.

Réveillé en pleine nuit par des retombées et le vacarme, j'enroule mon chèche fermement autour de la tête pour protéger ma respiration et mes yeux. Je me réveillerai momie dans un sarcophage de sable. Les chameliers dorment sans protection, ils savent que si tout dérape, les arbres pourraient être déracinés et nous tomber dessus. Ce n'est pas une belle mort. Je joue les statistiques et sécurise quelques heures de sommeil.

La marche débute en bras de fer, face aux éléments. Ma chemise gonfle et claque, je suis un drapeau perdu en mer. Je crois comprendre d'où Alain Damasio a tiré son inspiration. Notre horde est plus petite, dix êtres vivants avancent en ligne, seuls les dieux les observent. Pas d'antenne radio, pas de téléphone satellite, plus le droit à l'erreur. Personne ne viendra nous chercher, personne ne pourrait nous trouver. La caravane doit avancer.


Je me retranche dans une petite alcôve pour y manger une datte. Le vent parvient tout de même à s'y infiltrer. Un arbre à ma gauche tangue et vacille.

Nous traversons en fin de matinée un terrain aux allures volcaniques, mon pas est incertain, les chevilles travaillent. Un squelette hante la vue, je ne serais pas surpris de voir des esprits surgir du brouillard. Âmes déchues enchainées aux ténèbres. Je n'ai pas l'énergie d'avoir peur, je marche en dormant. Je m'arrête à midi sur des crottes de chameau séchées et des ossements, le sol n'est pas droit; je m'endors immédiatement.


Marcher dans le désert c'est dégringoler son échelle de priorités. Vous pensiez être passionné d'art, ne pas pouvoir vivre sans musique, dépendre de vos proches, avoir peur des insectes ? Ces pensées se volatilisent dès l'aube, seul un pentagone de sensations reste: la soif, la faim, la fatigue, la chaleur, l'hygiène, dans l'ordre. À 8h vous rêvez d'une douche, à 11h30 d'une pizza, à 15h d'un verre d'eau, à 15h01 vous avez changé d'avis, vous prendrez plutôt un verre d'eau glacée finalement, à 17h vous rêvez de vous arrêter. À 19h, une fois le camp installé et le repas en préparation, alors seulement là votre esprit gambardera vers le luxe et le confort. Profitez, demain tout recommence.

Fin de journée, le soleil est toujours introuvable dans le ciel. Tout est gris. J'appréciais beaucoup les couchers de soleil, il faut apprendre à laisser les jours difficiles passer.

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Interlude - vivres et eau

La capacité de portage des chameaux permet de transporter beaucoup de nourriture, et des produits frais - le problème est leur conservation. Sidi est notre cuisinier, les chameliers ont un régime particulier, ils font leurs propres plats. Nous mangeons sainement mais simplement.

Le petit déjeuner est constitué de la galette cuite la veille et d'un peu de confiture si l'on souhaite. En boisson, des sachets de thé basiques ou du café lyophilisé. Ça a peu de goût, mais permet de boire plus d'eau. Les nomades sont friands de lait concentré non sucré mélangé à l'eau chaude. Pour compléter le tout, un fruit. Les fruits disponibles dépendent du moment du voyage. Des bananes les premiers jours, puis des oranges, des pommes et enfin, des dates. Nous voilà prêts pour commencer la journée.

Le repas du midi est froid, les féculents ont été cuits le matin même. Au menu: salade de riz, pâtes ou lentilles. Dedans, une ou plusieurs boîtes de conserve. Souvent une macédoine de légumes, quelques olives en bocal et la seule viande du voyage: du thon en boîte. En dessert, un fruit.

Le dîner est toujours en deux étapes. Premièrement une soupe simple avec beaucoup d'eau. Les légumes sont coupés, cuits et moulus manuellement. On y trouve de la courge, des carottes, du navet, du chou, de l'oignon et de la pomme de terre. Le plat principal est fait avec du riz, de la semoule ou rien, en plus de quelques morceaux de légumes gardés à l'étape précédente. Tout est servi à la louche dans des gamelles en aluminium. Dans le désert, on mange ce qui est donné. De toutes manières, le soir sans lampe frontale, je suis incapable de voir ce qui m'est servi. En dessert, un fruit.


Le rituel mauritanien est le thé, 3 verres chacun, 3 fois par jour. C'est un moment de rassemblement important au camp, le thé réchauffe les cœurs et les esprits. Avant, un petit bol de biscuits et d'arachides est rempli.


L'eau est évidemment la ressource la plus précieuse. Sans pastilles filtrantes, nous avons fait le choix d'acheter et emporter des packs d'eau avant le départ. C'est beaucoup de déchets dont nous sommes peu fiers, mais c'était plus facile et pratique pour tout le monde. Nous n'avons évidemment rien laissé derrière. Bastien et moi sommes désormais à cours, nous allons comme les nomades, boire l'eau du puits. Nous la ferons bouillir pour plus de sécurité. Quelques calculs s'imposent, à raison de 24 bouteilles de 0,75 litres chacun en 12 jours, nous buvons en moyenne 1,5 litre par journée. C'est peu, le guide est surpris.

L'eau est transporté dans des jerricanes sur les chameaux. L'itinéraire est celui des puits, et il n'est pas rare que Sidi fasse un détour vers une tente lointaine pour demander dans quel état est le puits suivant. Si l'eau est salée, nous en récupérons quand même. Elle servira à laver les bols et la nourriture.

Jour 13

Bonheur oublié que de dormir, les glapissements de chacals ne m'empêcheront pas de me réveiller frais et de bonne humeur. L'humeur ne suffit malheureusement pas à porter l'étape du matin, les dunes sont très hautes et la disparition partielle de la brume redonne pouvoir au soleil. Impression désagréable d'évoluer dans un four. Mon chèche bleu ciel est devenu ocre terre au fil des jours. Le porter reste primordial, cela m'évitera de devenir rouge tomate.

Avec Bastien le cynisme des premiers jours a disparu, les blagues faciles ont été faites et refaites, en trouver d'autres demande de l'énergie. Il me demande avant de repartir “On est pas bien là”, je réfléchis et lui réponds “Oui et en même temps non. Non et en même temps oui.” Il me regarde, “C'était une affirmation, pas une question”. Bon… Alors qu'il nous reste une semaine de marche, nous allons commencer à compter les jours. Je profiterai de tout et me gorgerai de ce que le désert m'offre continuellement. Cependant l'itinérance a un prix, et il augmente chaque heure.

Le désert est une harpie, l'aimer sera à sens unique, lui vous détestera toujours. Ne pas tomber amoureux est pourtant difficile. L'adrénaline d'une relation toxique dans laquelle on se jette à corps perdu.


Développement de situation surprenant, mes chevilles ne produisent plus de douleur en marchant. À raison de 20 kilomètres par jour, mes tendons se sont endurcis, mes pieds sont plus solides qu'il y a 10 jours. La détermination aveugle vainc-t-elle toujours ? L'adversité est-elle le seul chemin vers le renfort du corps ? Cela rend mes fins de journées presque aisées, je n'ai plus aucun doute sur la suite. Bastien a eu plus de mal, il puise depuis ce matin dans la force morale qu'il lui reste. Je sens qu'il s'est recroquevillé mentalement, il est plus mordant que d'ordinaire. Comment lui en vouloir, je suis passé par là aussi.


Nous discutons un peu avec Sidi. Il ne sait pas utiliser d'ordinateur ou de smartphone, il nous demande s'ils sont capables de traduire un texte arabe en français. Quand il va à la capitale pour le travail, il repart aussi vite que possible. Je réalise qu'il vit dans un monde que je ne peux plus imaginer. Alors qu'il voit passer des Allemands, des Anglais, des Espagnols, Canadiens ou Français, il n'a aucune envie de voyager. Il ne voit pas de raison de partir, tout lui convient ici. Il aime aussi grandement son travail, plusieurs décennies qu'il arpente la Mauritanie et ses recoins historiques. Sa connaissance profonde du terrain le classe troisième guide mauritanien. J'écrivais “la vie est plus simple sans Google”, en fait, la vie est plus simple sans rien. Est-elle meilleure pour autant ? L'humilité apporte la simplicité, la simplicité apporte l'humilité. Je ne sais que penser de tout ça. Je retourne bientôt à mon appartement parisien, mon ordinateur, mon écran externe et ma connexion fibrée. Mes vacances sont-elles le hublot d'une vie que je n'ose pas mener ? Pourrais-je sacrifier les croissants et la glace à la pistache ?

j13

Jour 14

8h30. Je fais tomber ma tartine à la confiture de fraise. Hop, en une maladresse, ma pitance, lueur du début de journée, est face contre terre, confiture ensablée. Petit déjeuner: repas de motivation et de mise en route. Moi: je contemple mon échec. À quoi tient un jour qui vaut la peine d'être vécu ? Devrais-je tout de suite refaire une tartine, narguer le destin qui n'avait pas vu qu'il me restait du pain ? Comment accepter les aléas et combattre la mésaventure ? Ça faisait déjà beaucoup de réflexions et moi, j'avais juste faim, alors je l'ai ramassé et je l'ai mangée. Les questions existentielles c'est après avoir mis ses chaussures, pas avant.

Les questions ne restèrent pas en suspens longtemps: une journée trouve sa valeur dans les détails. C'est un petit lézard qui oublie d'avoir peur de vous et s'approche tout près. C'est un phasme qui tombe d'une branche et monte sur votre main - étonnant insecte que celui dont l'entière stratégie réside dans le camouflage. C'est aussi le sable blanc qu'on foule pour révéler le jaune et l'orange qu'il recouvre - de belles trainées apparaissent. Avec de la chance, c'est la fulgurite qu'on trouve par hasard, et une autre quelques mètres plus loin. Comment rester indifférent au choc des éléments, ciel et terre se rencontrent, foudre et sable créent. En une fraction de seconde, la chaleur se propage, les grains deviennent liquide et solide à nouveau. Le vent que j'ai tant maudis a déterré ces fragiles artefacts. Puis arrivé, c'est apprendre à faire le thé, ne pas comprendre, en renverser, brûler le torchon du chamelier dans les braises, faire tomber le couvercle et en fin de compte, voir Sidi vous rendre un verre en disant “c'était très bon”.


Les chameliers rigolent entre eux, Bastien discute culture avec Sidi et Jean-Pierre grignote un acacia. Le camp, autel érigé à la plénitude.

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Jour 15

Mon nez a saigné abondamment cette nuit, surplus de sécheresse et de sable sans aucun doute. Problème communément anecdotique, sauf en nocturne, dans un duvet, alors qu'il fait 5 degrés et que la première chose qui vous tombe sous la main c'est une chaussette. Je jette mon dévolu final sur du papier toilette que je déroule allègrement pour éviter de tout salir. Bastien, à moitié endormi, m'indique de faire attention car le sang attire les requins. Orage passé je comprends que c'était mon dernier rouleau. Légère prière pour que mon transit reste exemplaire jusqu'à la fin.

Réveil au son des oiseaux, une nuée joue entre les acacias et privilégie le nôtre. Nous les regardons longtemps, quel spectacle magnifique. Théorème de la veille mis en pratique, cette journée mérite déjà toute mon attention.

Pendant la marche j'ai tendance à regarder mes pieds. Idiot direz-vous, là où le paysage est si beau, mais là, aussi, où le terrain est si instable. Bastien m'interpelle, je lève la tête. Devant, fendant la scène par sa prestance, un dromadaire monté. Quel dromadaire, grand fort, beau. Son cavalier dressé n'est pas en reste, surplombant la caravane. Là où le réel dépasse l'épique des contes. Il nous accompagnera un kilomètre puis bifurquera après nous avoir salué une dernière fois. D'où vient-il ? Où va-t-il ? Bon vent cavalier des sables, tu auras su marquer mon esprit.

Le Sahara et l'Adrar nous ont quittés, nous avons atteint le Sahel et le Tagant à midi. Changement drastique d'environnement au premier puits. L'eau attire la vie, faune et flore se multiplient. Des oiseaux et leurs chants, des lézards, des troupeaux de dromadaires, d'ânes et même de vaches. L'herbe pousse, son gazon se propage de source en source. Au-dessus de moi, un aigle plane.


Nous terminons la journée dans un couloir très typique des plateaux. Sur notre droite, des roches empilées atteignant 4 mètres, forment une muraille pentue. À gauche, une plaine où minéraux et plantes cohabitent. Le sol est suffisamment solide pour rendre la marche rythmée, seul le dénivelé nous ralentit quelque peu. C'est l'après-midi la plus courte jusqu'à présent, le plus dur a été fait, la fin sera une balade. Comme dit Bastien “Quand on a appris à mourir, semi-mourir c'est facile.” Un peu extrême, mais explicite.

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Jour 16

La faune et la flore c'est bien, mais dans ma liste de choses que j'aurais aimé éviter il y a:

  • Les dromadaires de nuit. Plus d'acacias c'est plus de repas, et les meilleurs semblent être à côté de mon sac de couchage. Toute la caravane s'y est agglutinée, Émile a failli croquer mon duvet. Je ne savais pas que les dromadaires mâchaient si bruyamment.
  • Les cram-cram. Ces petites plantes produisent des graines volant au vent, et constituées de petites épines crochues. Passant inaperçues, elles s'agrippent à tout. Pantalon, sac, chemise, peau. Leurs épines se séparent alors pour créer de très fines échardes, extrêmement désagréables.
  • Les araignées. Aussi grandes qu'un ongle de pouce, leur couleur les camoufle parfaitement dans le sable. Invisible en journée, j'ai découvert (à contre-coeur) leur nombre dans le noir. Leurs yeux reflètent la lumière de ma lampe, au nombre de huit, ils scintillent quelque soit l'orientation de l'arachnide. Le sol est inondé de paillettes, chacune d'elles me fait fuir. Elles vont vite et grimpent les jambes. Parfois, il vaut mieux ne pas savoir.

Sur le chemin de l'après-midi je me retrouve médusé devant un grand terrier. Ce n'est pas l'abri d'un fennec, d'une souris, d'un chacal ou même d'un porc-épic. Le guide est formel, c'est un terrier de tortue. Une tortue dans le désert… j'ouvre grand les yeux le reste de l'étape.


Nous finirons notre marche mercredi soir. Trois jours restant avant de remonter en 4x4, ça parait ridiculement peu. Avec l'arrivée les langues se délient, et Sidi nous donne les informations qu'il n'osait pas dévoiler jusqu'à présent. Il n'y a que trois à quatre grandes traversées par an, c'est un circuit très difficile et fatiguant. Cette année, nous serons les premiers à aller au bout. De ce que je comprends des années précédentes, le taux de réussite ne dépasse pas 30%. Le guide est très content d'avoir un groupe qui finira, je suis très content de finir. La fierté est d'autant plus grande que les difficultés étaient justifiées. Je comprends que c'est la folie qui nous a poussé à partir, et c'est la folie qui nous poussera à aller au bout. Nous voulions tenter la vie nomade, nous l'avons effleuré du bout des doigts. C'est la première fois que les guides voient un groupe faire le voyage sans monter la tente ou les lits de camp une seule fois. D'ordinaire les gens réclament, ici les chameliers proposaient, nous avons toujours refusé. Comme dit Sidi, il faut dormir dans le vent du désert pour le comprendre, c'est une leçon. Ma promesse tient, je ne conseillerai pas ce voyage. Mais sachez qu'être fou a du bon, ça vous transcende.

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Interlude - pensées diverses

  • Mon prénom est difficile à prononcer, alors pour Sidi je suis Nathalie, Bastien est parfois Patrick.
  • J'avais pris l'habitude de nettoyer mon couteau dans le sable, l'essuyer sur ma chemise est en fait plus pratique.
  • Quelle est donc la couleur des cheveux de Walid ?
  • Allongé sur une couverture trouée qui sent l'animal mouillé, j'admire la lune. La pauvreté de notre situation permet-elle de mieux apprécier la richesse des lieux ?
  • Il y a une fourmi dans ma gourde, à quel kilomètre vais-je la boire ?
  • L'épine de Schrödinger, celle qui vous pique mais disparaît quand vous la cherchez. Elle vous piquera à nouveau dans 5 minutes.
  • Deux jours après le vent, des nomades nous demandent comment nous sommes arrivés jusqu'ici. Je me pose la même question, je crois que nos guides sont très bons.
  • Un dromadaire vaut entre 800 et 1500 euros. On les surnomme les “voitures du désert”.
  • Surpris, j'ai renversé ma soupe quand un scarabée est rentré dans ma sandale. En fait, c'était ma lanière de sac.
  • Demain c'est lundi. Ça me donne un peu de force de savoir que les gens retournent travailler.
  • La misère de l'homme pudique. Prendre plus de temps à trouver ses toilettes qu'à y passer.
  • Couché un soir de lune. Qui n'a pas éteint la lumière ?

Jour 17

Encore quelques jours de réveil matinal, l'oiseau posé en face est là pour me le rappeler. Je me suis rarement senti aussi à l'aise au camp. Ranger son couchage, prendre le thé, voir les dromadaires arriver au loin. J'ai l'impression d'être chez moi. Émile aussi est à l'aise, il vient essayer de grignoter notre pain. Les fennecs ont crié toute la nuit mais moi, je n'ai jamais aussi bien dormi.

Le reste de la matinée suit le même cours, marcher est devenu instinctif et les paysages sont époustouflants. Alors que nous nous arrêtons prendre des photo, je réalise qu'elles ne traduiront jamais la grandeur des sensations. 16 jours de marche pour s'offrir ce cadeau.

Nous passons devant de grands palmiers. Les chameliers s'arrêtent et commencent à y jeter des cailloux. Drôle de coutume. Des fruits en tombent. Drôle de cueillette. Sidi m'en tend un et me demande ce que c'est. Ça a l'aspect d'une pierre, la texture d'une pierre, la couleur d'une pierre. Les chameliers l'écraseront pour mélanger sa poudre à l'eau.

Atteindre Ksar El Barka avant midi est inespéré. L'ancienne cité en ruines complète la variation des plans: sables, roches, cité, montagnes, dunes. Un grillage nous sépare d'elle et ici, l'incertain règne. Le gardien viendra nous faire visiter s'il nous voit, et s'il a envie. Nous faisons la sieste, l'attente a commencé.


Toujours personne en vue au réveil, Sidi propose de rester la nuit. Je n'aime pas l'idée de prendre du retard alors nous repartons. À mes yeux, des ruines de l'extérieur ou de l'intérieur, ça reste des ruines.

Nous comptons les heures plus que les jours désormais. Le désert nous dit au revoir comme il se doit, on estime 38 à 40 degrés au soleil à 14h. Sur la route une vache décide de nous suivre quelque temps, je ne m'habitue pas aux bovins. Devant nous un troupeau de chèvres et d'agneaux traversent. Autour, des chiens, une mule, un nomade.


Chaque nuit de ciel dégagé je contemple aisément quatre à cinq étoiles filantes. Chaque nuit le voeu reste le même: ne pas oublier ce que j'ai la chance de voir.

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Jour 18

Je deviens aigri. Au puits du matin, deux 4x4 aménagés brisent le silence. En 17 jours, c'est le deuxième moteur que j'entends, mes poils se hérissent. Des voitures sortent deux couples, probablement retraités. L'accoutrement est simple: t-shirt à manches courtes rentré dans le short, lunettes de soleil, sandales. Ils s'approchent prendre des photos et discutent rapidement avec le guide. Cela fait un mois qu'ils parcourent la Mauritanie, leurs tout-terrain safari équipés jusqu'aux dents. Ça m'agace. Ils sont venus rompre le décor à coups de 4 temps, d'écorchages de noms (Ksar El Barka est devenu Sarbacane) et d'un confort insolent. Je commence à détester les Français riches en voyage. La boucle est bouclée, je me déteste moi-même.

La situation s'inverse avec arrogance quand nous passons devant quelques tentes. Tous les nomades nous emboîtent le pas. Une femme essaye de nous vendre une poterie. “Je trouve qu'il y a trop de gens par ici” dit Bastien. Je rigole mais plussoie. Je suis partagé entre le toupet de mes pensées et l'envie de retrouver des dunes inhabitées. Le retour à la ville va être dur.


Aucune tortue ne croise notre chemin, je suis déçu. Sidi nous explique que des renards rôdent dans les parages. Un peu de mal à l'idée d'un renard du désert mais soit. Je trébuche une heure plus tard sur un crâne que je retourne: un renard. Ça m'apprendra à être sceptique.

Nous longeons une vallée en eau, depuis les dunes des premiers jours, beaucoup de chemin a été parcouru. Quelques champs apparaissent sur la côte, des vaches dorment à l'ombre de pierres. En réalité, je ne peux pas m'empêcher de penser à demain soir, ou la fin du périple de marche. J'essaye de me remémorer chaque étape mais trop de jours ont passé, la mémoire a déjà fait son tri. J'inhibe le bouillonnement de réflexions qui veulent s'échapper, marécage de mon esprit. Je lève la tête alors qu'au loin, un petit mammifère court vers son terrier. Une queue touffue couleur sable ondule derrière lui: un renard. Demain je serai content d'arriver, aujourd'hui je ne suis pas pressé de partir.

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Jour 19

À chaque pas, la magie se dissipe un peu plus. Nous longeons la route, croisons de plus en plus de nomades. En d'autres termes, nous retrouvons la civilisation. Cette fin rêvée, pensée, espérée, pourquoi apporte-t-elle si peu d'excitation ? Peut-être que là est la fatalité de l'itinérance: le dernier jour n'est jamais très drôle.

Nous quittons les hameaux vers midi pour trouver deux grands arbres, ils trônent en pair. Leur ombre est totale, leur branchage n'est pas sans rappeler celui des saules pleureurs. Pas besoin d'estimer où se trouve l'ouest, pas besoin de déplacer son tapis tous les quarts d'heure pour éviter de cuire. Je grimpe sur une branche et m'assois. C'est le plus beau spot midi depuis notre départ.


En quelques heures de plus, nous voilà à l'étape finale. Un dernier village sédentaire nous séparait du point de rendez-vous avec la voiture. Les chiffres se bousculent, les émotions derrière. 18 jours de parcours, 18 nuits de bivouac, plus de 100 heures de marche, 300 kilomètres abattus, et par tranche de 12 heures, 35 degrés d'oscillation sur le mercure. Les chiffres quantifient, décrivent, objectivent, ils sont vecteurs de taille. Mais à quoi servent-ils ici ? Comment pourrais-je résumer l'aventure vécue en statistiques ? 5 personnes ont marché, 5 personnes sont arrivées. Nul autre ne sait. Il n'y a ni confettis, ni drapeau à damier, ni médaille. La finale se vit à l'image du voyage, dans la contemplation. Un thé infuse, la cuisine se prépare. Nous mangerons ensemble pour le dernier repas, Walid nous quitte demain pour remonter vers Chinguetti.

Bastien et moi prenons un portrait l'un de l'autre pour commémorer. Je ne me reconnais pas tout à fait. Les cheveux ont poussé, les cuisses ont durci, la barbe s'est roussie par le sable. Les mains ont bruni, les pieds se sont cornés, les jambes se sont tachetées. Au travers des jours, mon mental s'est fortifié et mon regard s'est apaisé, mais mon corps est fatigué. Combien de temps encore aurais-je pu continuer ? Le désert est un environnement qui vieillit le corps, mais agrandit l'âme. C'est un équilibre de forces où tout ce qui est prêté est rendu. C'est un royaume où les lois sont claires. Le désert est dur, mais juste.

Cette nuit sera spéciale. Une page s'est écrite ces dernières semaines, à moi de la déchiffrer. Je commence ma tâche en m'allongeant. Regarder le ciel étoilé tend à ordonner les idées.

j19

Jour 20

Pas de temps à perdre ce matin, la route est longue. Le 4x4 et son chauffeur ont atteint le camp dans la nuit, je n'ai rien entendu. Walid va vite, il repart avec les chameaux pour 10 jours de traversée. Une selle reste vide, il s'en servira pour aller plus vite. Il s'approche et chuchote un calme “au revoir”. La poignée de main est simple, sans émotions, c'est un geste respectueux plein de politesse. Aucune autre fioriture, je cligne des yeux et il est déjà loin. La caravane le suit, elle s'éclipse derrière une bute. Je m'installe sur la banquette arrière.

La voiture dans le désert c'est un peu comme l'avion: il n'y a pas de ceinture et on s'en remet au pilote. Les turbulences aussi sont marrantes, mais on fait quelques signes de croix pour la forme. Nous arrivons très vite à la capitale du Tagant. Le marché est une fourmilière où tout le monde connaît les règles, sauf moi. Les ânes attelés et les carcasses de voitures se croisent, les femmes chassent les chèvres un peu trop curieuses, les passants zigzaguent sur la route. Négocier est la norme, certains prix se jouent à la banane près. Le premier arrêt de Sidi est à la boucherie. Un étalage en bazar où chaque morceau se mélange aux autres. Les acheteurs touchent avec les mains, et la viande est pesée sur une balance mécanique rouillée. J'ai déjà observé ce système à Lhassa, mais ici la température peut dépasser 40 en journée. Beaucoup de mouches ont déjà pris possession du chameau découpé. Je suis dégoûté mais la viande est un repas de luxe, j'en mangerai le midi même.

Le vent souffle et il n'y a pas beaucoup d'endroits en bord de route, le chauffeur connaît les tenanciers d'un petit parc. Nous nous accroupissons sous un fil barbelé, et avançons dans l'herbe. Au fond, un surplomb marbré entouré de palmiers protège du froid et du chaud. Un petit coin de paradis. Le renfoncement est un cul de sac. Je visite et admire les vagues d'érosion marquant la roche, le couloir se rétrécit et une fine cascade de sable apparaît. Deux ânes me regardent de loin, impression d'être spéléologue dans une grotte à ciel ouvert.

Maham, le chauffeur, s'occupe du thé. Il sort un réchaud et deux théières, pour protéger la maigre flamme de la brise, une boîte de munitions. Caisse authentique en métal vert, elle est renversée verticalement et se découvre une nouvelle vie. On en sortait des balles de calibre 12,7 pour tuer, on en sort maintenant un rituel pour rassembler. Le repas est prêt, du pain rompu et deux saladiers sur un tapis. Dans l'un, des haricots blancs en sauce, dans l'autre, de la viande de chameau cuite dans sa graisse. Nous sommes cinq et sans couverts, il faut piocher avec la main - se la laver avant ou après serait incongru. C'était excellent. Note pour futures déprimes: essayer de manger par terre chez soi, les doigts piochant les sardines à même la boîte.


Sur la route neuve qui nous lie à l'Adrar, le sable mène une bataille sans merci. Inexorablement, sans fatigue ni faille les dunes grignotent, grappillent, mordent et parfois avalent des pans entiers de voie. Par temps de froid en France nous avons des déneigeuses, par temps de vent en Mauritanie, ils ont des bulldozers. Nous faisons une embardée hors de la route, Maham sort et prépare le coffre. Derrière un buisson, sous une couverture, six bidons d'essence. Nous en prenons trois et repartons. Étonnante aire d'autoroute.

Il y a quelque chose de vexant à faire en 5 heures ce qu'on a marché en 10 jours. Cependant la variété des paysages est indéniablement moindre. 80% de notre circuit ne peut être atteint en 4x4. Sortir des sentiers battus a du bon.

Dernier bivouac. Comme au premier, je m'isole sur une dune et écris. Dernier regard sur ce que le désert m'offre.

j20

Jour 21

Le camp se plie au son de Maham qui répare sa Toyota Hilux. Courbé sous le capot, c'est avec les outils du bord qu'il remet la batterie en place. Une planche de bois et un caillou en guise de marteau. Le dixième essai est le bon, la voiture démarre, nous repartons.

J'aime ces vallées, canyons et dunes qui défilent. À travers la vitre, un film et sa bobine sans fin. Je prends des photos pour immortaliser. Ça s'avère aussi futile que de résumer une séance de cinéma en une capture d'écran. Bastien est en quête de sensation forte et moi, d'un meilleur angle de vue. Nous troquons la banquette pour la sixième place du 4x4: le coffre.

A raison d'un vol par semaine, les abords de l'Adrar se gorgent de randonneurs. Notre guide connaît tous les circuits, nous trouvons donc un coin d'ombre un peu en retrait et au calme. Les groupes passent interloqués, quinze personnes nous voient à l'ombre près d'une voiture. Je souris de l'impression que ça donne.


À Atar les accompagnateurs nous quittent un à un, je m'attriste de voir Elmet partir pour de bon. Petit tour au souk pour revenir en France avec l'essentiel: des dates, du thé, un théière. Nous rejoignons l'auberge, dernier lieu d'attente avec le transit final. La douche est un fantasme qui prend vie. À l'aide de savon, c'est 20 jours de saleté qui disparaissent à mes pieds dans un siphon brunâtre. Le confort revient, presque trop brutalement. Je vois des touristes prendre la suite, ils rejoignent leur hutte torse nu ou en sous-vêtements. Leur comportement jure drastiquement avec la pudeur culturelle et locale.

Moyenne quotidienne de l'utilisation du téléphone. Appareil photo: 5 minutes. Galerie photos: 2 minutes. Total: 7 minutes. Retourner à la capitale française c'est aussi devoir se reconnecter, alors je demande le mot de passe wifi et rallume mon téléphone. Les notifications dégringolent et s'enchaînent en cascade. Je les passe en revue rapidement, combien sont nécessaires, combien suis-je content de lire. J'envoie un message à mes proches et ré-éteint l'écran. La bulle éclate. Le temps reprend, le stress revient. Je décide de retenir ma respiration jusqu'au lendemain, l'avion sera mon pont vers la réalité.

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Jour 22

Le 22e jour est celui de la rupture, s'échapper est facile, se retrouver moins. La valeur des voyages ne réside pas dans le nombre de graines plantées, mais dans le nombre d'arbres qui poussent. Pour ce faire il faut arroser, encore et encore. Armé d'années, l'esprit fera le reste: la patience de la réussite.

D'en haut, les reliefs chaotiques du Sahara apparaissent. Des veines ondulent et donnent vie aux nuances qui s'étalent à perte de vue. Les nomades considèrent douze couleurs différentes de sable. Au décollage, des petites villes, un panneau solaire ça et là, quelques acacias. Maintenant, rien. Dans la grandeur de ce rien, j'imagine un dromadaire et son troupeau, un fennec creuser son terrier pour la nuit. Peut-être même Walid et son bâton, qui marche encore, seul. J'espère qu'Émile va bien. La hauteur donne du recul, et à 11 000 mètres du sol c'est une évidence, dans le désert, la mort dicte et règne. Elle est et restera maîtresse des lieux, et pourtant… la vie subsiste, de touffe en touffe, de puits en puits. La sable vous chasse, la sécheresse vous rattrape, alors il faut marcher, marcher pour vivre.

J'avais dit lors de ma dernière aventure “Je pense avoir laissé une part de moi à chaque bivouac, dans chaque coin de forêt”. Je pense que cette fois, c'est le désert qui a laissé une part de lui en moi. Il s'est invité sans frapper et sans prévenir, c'est mon devoir de l'accueillir comme il se doit maintenant. Je sens qu'on va bien s'entendre…


Merci à Sidi, Elmet, Walid et Maham pour l'encadrement.

Merci à Théodore Monod pour m'avoir aidé à choisir ce pays.

Merci à Bastien sans qui je ne serais peut-être pas allé au bout. Merci d'avoir été assez fou pour venir, merci pour l'aide à la rélecture.

Merci à Sylvain Tesson pour les bons moments au coin du feu.

Merci à Jean-Pierre, Charlotte, Béatrice, Émile et Pascal.

j22

Interlude finale - poésie

Crépuscule nacré sous voie lactée dorée
Ombre de la journée sur les dunes projetée
Souffle glacial fige l'éternel sablier
Néant, voile de silence s'abat sur l'immensité

Touffes, branches, arbres s'agitent doucement
Fougueuses empreintes de coussinets sur le camp
Poteries brisées défient encore le temps
Étoiles, témoins figés du chemin d'antan

Palette pastel sur un dôme arc-en-ciel
Premières lueurs d'aube, dunes se revêtent de vermeil
Terriers remplis, créatures diurnes se réveillent
Toutes règles se renversent, rêves laissent place au réel

Puits et eau, sources de toutes les prières
Fournaise sans fin, s'apparentant aux enfers
Faim et soif, l'étau fatal se resserre
Continuez votre marche, celle-ci n'est pas la dernière

Au désert, au Sahara, au Sahel
Au passé, au futur, au présent
Aux vagabonds, aux nomades et aux passants
Aux piles d'ossements perdus, retrouvées pêle-mêle

Fuyez ce décor, vous voilà maintenant maudits
C'est désormais votre sort, enchaînés à la mélancolie
Prisonniers de votre corps, trop libre est votre esprit
Vous avez traversé la mort, comment affronter la vie ?

Vous n'oublierez jamais, changés pour toujours
Pour cet endroit qui vous hait, de nuit comme de jour
Éprouvez-vous pudeur, rancune ou amour,
Posez-vous la question. À quand votre retour ?
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